Ce projet serait sous la direction de : M. Nicolas BECH et M. Nicolas DEGUINES

Unité de recherche : EBI, équipe EES

École doctorale : Rosalind Franklin – Énergie, Environnement, Bio santé

Intitulé du sujet :

Pesticides, Insectes Pollinisateurs et Isopodes Terrestres : étude macroécologique et multifactorielle dans les milieux agricoles.

Début de thèse : à partir du 01/11/2025

Mots clés : Agrosystèmes, Analyse de données, Biologie de la Conservation, Cloportes, Communautés, Paysages, Pesticides, Pollinisateurs, Pratiques agricoles, Sciences participatives.

Résumé:

Les études démontrant un déclin de la biodiversité dans les espaces agricoles s’accumulent et il existe une forte demande sociale pour comprendre et réduire les effets négatifs de l’agriculture sur la biodiversité. En parallèle d’une simplification des paysages agricoles et des cultures, l’usage des pesticides a augmenté en quantité et diversité. Parmi d’autres facteurs, un rôle de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques est suspecté dans le déclin de la biodiversité des espaces agricoles. Cependant, la démonstration d’un effet in natura des pesticides sur la biodiversité reste relativement rare (notamment en dehors de l’avifaune) et des études manquent pour déterminer les effets de ces substances, souvent rencontrées à des doses sublétales mais en cocktail. La thèse, en s’inscrivant dans le projet PIPIT (Pesticides, Insectes Pollinisateurs et Isopodes Terrestres : étude macroécologique et multifactorielle dans les milieux agricoles), comblera ce manque en se concentrant sur des organismes assurant les services écosystémiques de pollinisation des cultures, de contrôle des ravageurs et de décomposition de la matière organique au sein des agrosystèmes : les insectes pollinisateurs (et autres floricoles) et les isopodes terrestres (cloportes).

De telles études sont particulièrement nécessaires sur ces organismes clefs des écosystèmes : bien que les invertébrés soient taxonomiquement très divers (ils constituent la grande majorité de la biodiversité), la littérature écotoxicologique est largement dominée par l’abeille domestique Apis mellifera. La récente spatialisation des données de ventes de pesticides provenant de la Banque Nationale des Ventes de produits phytopharmaceutiques par les Distributeurs agréés ouvre des perspectives de recherches pour combler ces manques. En croisant ces données d’utilisation des pesticides et d’autres données environnementales (occupation du sol présente et passée, pratiques agricoles, climat, propriétés du sol) avec les données de deux programmes de sciences participatives (Spipoll – Suivi photographique des insectes pollinisateurs, OAB – Observatoire Agricole de la Biodiversité), le projet PIPIT développera une approche multifactorielle pour estimer les réponses des communautés d’insectes pollinisateurs (et autres floricoles) et des isopodes terrestres à de multiples substances phytopharmaceutiques, tout en les dissociant des effets d’autres facteurs environnementaux. Le recul de ces programmes (>10 ans) permettra d’ajouter une dimension temporelle au projet et de développer une approche quasi-causale.

La thèse comparera deux communautés contrastées en termes de traits fonctionnels et de rôles au sein des écosystèmes et offrira ainsi une vision plus générale des effets des pesticides et de leur effet cocktail sur la biodiversité. Un objectif est de produire différents indicateurs de l’état des communautés de pollinisateurs et cloportes à l’échelle Néo-Aquitaine et comparable avec un référentiel national.

 

Contexte et problématique :

La production agricole dépend de nombreux facteurs. Depuis la 2nde moitié du XIXème siècle, l’intensification des pratiques agricoles a permis d’augmenter les rendements. Cependant, ce gain s’est fait au détriment de la biodiversité, y compris d’auxiliaires de cultures qui peuvent contribuer significativement aux rendements agricoles au travers des services écosystémiques de pollinisation, de contrôle des ravageurs, et du recyclage de la matière organique. La lutte contre les ravageurs des cultures a justifié l’usage de pesticides en quantité (x3 en France entre 2010 et 2014) et diversité croissante. La spécificité des pesticides étant insuffisante, des dommages collatéraux sont mesurés en laboratoire sur des organismes non-cibles et observés sur la santé humaine (les agriculteurs en particulier).

C’est dans ce contexte d’une seule santé (One Health) que l’approche multifactorielle du projet apportera des contributions importantes. Grâce aux données de vente de pesticides récemment disponibles à haute résolution spatiale et aux données de biodiversité en Nouvelle-Aquitaine et plus largement en France, le projet développera des indicateurs de réponses de la biodiversité aux pesticides destinés à la Région pour l’aide à la décision. L’éventuelle mise en évidence d’effets délétères de l’utilisation in natura des pesticides sur les auxiliaires des cultures soulèverait un compromis socio-économico-écologique (gains et dommages directs et indirects des pesticides) motivant une réduction de leur utilisation. Le projet éclairera les porteurs d’enjeux (agriculteurs, collectivités territoriales) en identifiant des pratiques agricoles ou caractéristiques du paysage à valoriser pour la protection des auxiliaires, compensant ainsi la réduction de l’utilisation des pesticides par des services écosystémiques rendus par la biodiversité. Les résultats du projet participeront ainsi à la transition agroécologique nécessaire pour les agriculteurs, les consommateurs, et l’environnement.

 

Description du sujet :

Les travaux de la thèse seront organisés en trois volets.

Le premier volet de la thèse mettra en relation l’utilisation des pesticides et d’autres données environnementales avec les observations standardisées récoltées par le programme Spipoll (www.spipoll.org). Ce 1er volet du projet PIPIT aura pour objectif le développement d’indicateurs à l’échelle des communautés d’insectes floricoles. Pour chaque session d’observation Spipoll, il est possible de dénombrer les espèces par groupe d’intérêt et ainsi de disposer d’indicateurs de la richesse spécifique par guilde taxonomique (p. ex. bourdons, abeilles solitaires, syrphes, bombyles, papillons, guêpes, coccinelles) ou fonctionnelle (pollinivores, prédateurs, parasites, parasitoïdes). Une hypothèse à tester est que les traits des espèces déterminent leurs réponses aux pressions environnementales. Nous nous attendons à ce que ces différentes guildes présentent des réponses non-homogènes aux pesticides et autres caractéristiques des agrosystèmes.

Le second volet de la thèse s’intéressera aux effets des pesticides sur les isopodes terrestres (cloportes) à deux échelles : le paysage (données BNV-D) et la parcelle (données fournies par les agriculteurs participant à l’OAB). Les participants à l’OAB suivent un protocole standardisé permettant d’estimer l’abondance totale des cloportes (i.e. toutes espèces confondues). Si l’absence d’identification à l’espèce peut apparaître comme une limite, ce volet comblera un vide dans la littérature. D’une part, les réponses des cloportes aux caractéristiques des paysages agricoles sont encore largement méconnues. D’autre part et surtout, une récente synthèse n’a dénombré que trois études s’intéressant aux effets des pesticides sur les cloportes hors laboratoire (deux ne considérant qu’une espèce, la dernière l’abondance totale uniquement dans des vignes). Ainsi, en analysant les plus de 350 parcelles OAB participant à dénombrer les cloportes à travers la France, ce second volet permettra une avancée importante
vers la prise en compte des décomposeurs dans la mitigation des potentiels effets des pesticides sur la biodiversité en milieux agricoles.

Le troisième volet de la thèse apportera une dimension temporelle aux effets des pesticides sur les communautés des insectes pollinisateurs et des cloportes. Les données du Spipoll et de l’OAB disposent d’un recul temporel (2010 et 2011 respectivement) permettant d’estimer des dynamiques dans le temps. L’objectif sera de tester si les dynamiques temporelles mesurées sont corrélées à des charges en pesticides plus ou moins importantes et/ou à différents coktails d’utilisation identifiés dans différentes petites régions agricoles en France. Insectes floricoles et cloportes sont des organismes non-cibles des produits phytopharmaceutiques et il est essentiel d’évaluer leurs effets potentiels sur les dynamiques temporelles de ces communautés.

 

Méthodologie et mise en œuvre :

Le 1er volet (pollinisateurs) de la thèse consistera en 3 étapes. La première sera de caractériser l’environnement autour des plus de 75 000 sessions d’échantillonnage de la base de données Spipoll. La seconde étape sera de calculer les indicateurs de richesse par guilde taxonomique et fonctionnelle. La troisième étape sera de réaliser les analyses statistiques (modèles linéaires généralisés mixtes) afin de tester les effets des pesticides sur les pollinisateurs.

Le 2nd volet (isopodes terrestres) sera découpé en 3 étapes. La première caractérisera l’environnement autour des parcelles OAB. La deuxième étape explorera finement les données pesticides aux échelles de la parcelle et du paysage, afin de vérifier si ces informations sont complémentaires ou redondantes. Mettre en œuvre les analyses statistiques sera la troisième étape de ce volet.

Le 3ème volet de la thèse sera en 2 étapes. La première sera de définir l’échelle spatiale à laquelle les dynamiques temporelles des communautés seront déterminées. Cette définition sera soumise à différentes contraintes. L’estimation des dynamiques temporelles nécessite un nombre de sites et de données suffisant. L’échelle spatiale dépendra aussi des données pesticides, en identifiant des zones d’utilisation contrastées. La seconde étape sera de tester s’il y a une relation statistique entre les dynamiques temporelles constatées et l’utilisation de pesticides. Le.a doctorant.e sera supervisé.e par Nicolas Deguines et Nicolas Bech (laboratoire EBI de l’Université de Poitiers) et bénéficiera d’une collaboration avec différents membres du laboratoire CESCO (Muséum National d’Histoire Naturelle-CNRS-Sorbonne Université).

 

Profil recherché :

Le doctorant ou la doctorante devra être titulaire d’un Master Biodidversité, Ecologie, Evolution (ou équivalent) ou d’un Master en modélisation avec un fort intérêt pour l’écologie scientifique. Une solide expérience avec le logiciel R pour la manipulation de grandes bases de données et l’utilisation de modèles statistiques avancés (p.ex. mixtes, bayésiens) sera absolument essentielle. Aucune campagne de terrain n’étant nécessaire, il faudra avoir une forte appétence pour l’analyse de données (toutefois, le doctorant ou la doctorante pourra se familiariser avec les protocoles Spipoll et OAB afin de mieux comprendre la collecte des données).

Il faudra pouvoir démontrer des connaissances poussées en écologie du paysage, écologie fonctionnelle, écologie des communautés et biologie de la conservation. Des compétences en écotoxicologie et en agronomie seraient un plus. Un intérêt pour les invertébrés, insectes pollinisateurs et cloportes en particulier, sera un élément important. Une expérience et/ou une curiosité pour les sciences participatives et leur fonctionnement seront recherchées.

La maîtrise de l’anglais (lecture, rédaction) et une motivation à rédiger des publications seront indispensables.

A la fois autonomie et aptitude à travailler en équipe sont des compétences de savoir-être qui seront importantes.

 

Contact pour plus d’informations et pour candidater jusqu’au 16/05/25 :
nicolas.deguines@univ-poitiers.fr

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